Monthly Archives: janvier 2020

Regarder sans voir

Regarder sans voir
La chambre de Vincent

Impression désagréable. Vous êtes dans une réception où il y a de nombreuses personnes. Vous discutez avec une amie lorsque son regard se dirige derrière vous et ne vous regarde plus. C’est comme si vous n’existiez plus. Vous commencez à parler à votre mari. Il ne vous regarde pas et continue à lire son journal. Impression vraiment pénible.

Dans son livre, La chambre de Vincent, Medit ARDITI évoque le non-regard avec acuité. Il parle de ce non-regard qui incite une personne à se suicider.

Le docteur Pannwitz, chimiste en chef du camp d’Auschwitz, regarde Primo Levi comme on regarde un poisson dans un bocal, d’un regard qui ne s’arrête pas et, pourquoi mon dieu s’arrêterait-il sur celui qui n’existe pas ? Il le transperce sans le faire exprès, comme on transperce le vide.

L’autre n’est pas autre chose. Le non-regard marque et annule comme l’antimatière fait disparaître des particules vraies et solides, de la matière en bonne et due forme …

Comment se remettre d’une telle négation d’humanité ?

… trop peu d’humanité, trop peu en face de soi, rien, ni personne sur qui accrocher son regard, aucun partage.

Van Gogh peint 50 autoportraits desquels surgit une même supplique hurlante, insoutenable : « Pour l’amour du ciel, regardez-moi. »

Medit ARDITI, La chambre de Vincent, Ed. Zoé, Genève, 2002, p.17 à 19

NON STOP

NON STOP

NON STOP

Il pleut : J’attends le bus sous l’abribus. Un bruit , ces voitures qui défilent à toute vitesse.

Un coup d’oeil à ma montre : le bus est en retard de 5 minutes, de 10 minutes. Je commence à m’énerver : je vais rater mon rendez-vous.

Aussi, j’avance d’un pas et fait le geste du pouce de l’autostoppeur en même temps qu’un sourire. Mais cela ne ralentit pas les voitures. Aucune ne s’arrête. Avec mes 82 ans, ai-je l’air d’un terroriste ? Est-ce que je fais peur à quelqu’un ?

Heureusement le bus arrive avec 15 minutes de retard. Ouf.

Une autre fois, il neige, il vente et fait froid. En l’absence de bus, je fais à nouveau du stop. une cinquantaine de voitures filent sous mon nez sans s’arrêter. Finalement, c’est une camionnette qui accepte de me prendre.

Après avoir remercié mon chauffeur, je lui pose la question : »Mais pourquoi les voitures ne s’arrêtent-elles plus pour les gens ?  Au siècle passé (XXe siècle), le stop fonctionnait très bien.

Plein de jeunes faisaient de grands voyages de cette manière. »

Et de me répondre : «  Les gens sont trop pressés et ils ont peur ! »

Quel dommage que cette entr’aide n’ait plus lieu. Elle permettait de charmantes rencontres et de bonnes conversations.

Quand je suis chauffeur, je n’hésite pas à prendre des jeunes ou des gens attendant bravement sous la pluie.